Le sens dérivé, celui de rejet, a enrichi l’analyse rudologique. L’étude des conditions du rejet, de la déqualification, de la dévalorisation et de l’exclusion a éclairé le fondement même du déchet et par conséquent la généralisation de la notion.
« Tout bien, matériau, matériel, équipement, construction peut perdre son utilité reconnue et devenir déchet : résidu, épave, carcasse, taudis, ruine. Ce bien déclassé gagne un espace de décharge et intéresse le marginal et l’exclu social »
« La localisation des exclus d’un système économique et social signale les marges de ce système. La rudologie inclut donc une dimension spatiale, géographique qui fut son orientation originelle : l’emprise et la répartition spatiale des accumulations détritiques» [3]
[3] Jean GOUHIER : Manuel de rudologie - 2001 (page 23)
De fait, la famille sémantique compte deux branches fondatrices :
- La première signale le dégoût, la puanteur, l’impureté : c’est l’immondice (du latin « immondus », le non-propre). C’est l’axe de l’ordure, de l’insulte et du mépris qui s’attache à l’animal immonde (le porc) consommateur occasionnel, aux salissures diverses de la rue (les « immondices » du vieux Paris), celles des ruelles immondes, boueuses, noires, sinistres de la grande ville du XIXe siècle.
- La seconde branche, marquée elle aussi par la déchéance fonctionnelle est cependant plus respectable et dérive de la déformation populaire du verbe déchoir. Au XIIIe siècle (1283) on parle des « deschié » en évoquant un bien dévalorisé et déchu de sa fonction justificative. C’est le sens premier du déchet. L’origine n’est pas aussi triviale qu’ont bien voulu l’affirmer certains, sommairement informés par des élucubrations scatologiques.
Pour ainsi dire, il existe donc dès l’origine l’ordure et le rebut, les vrais et les faux déchets, ces derniers particulièrement développés dans les rejets des sociétés dites développées. D’une façon générale, la démarche rudologique est une recherche de la localisation et de la caractérisation des rejets et des marges des systèmes organisés.